vendredi 22 janvier 2010

ZENON - Je t'aime...

"Je t'aime" est sans doute le mot le plus intime et anonyme à la fois. Il est intéressant de noter que tout le langage de l'amour emprunte un véhicule collectif pour une destination personnelle. Non pas que le sentiment exprimé soit faux, mais l'usage d'un code social si commun pour une déclaration si personnelle nous renseigne sur le sentiment amoureux. "Je t'aime" est à la fois une satisfaction et une demande universelles.

L'amour est cette satisfaction qu'un(e) autre, choisi(e), pénètre notre véritable identité et nous aime pour telle qu’elle est. Ceci implique de trouver un juste équilibre de notre amour propre pour ouvrir son cœur à l'autre, sans servitude ni rapport egocentrique. L'amour-propre est en effet nécessaire pour nous donner une force intérieure et inspirer la confiance, mais il ne devrait pas virer à l'égocentrisme exacerbé de vivre pour soi dans l'auto-adoration (ou l'auto-flagellation car elle est, au fond, un autre visage élaboré de la vanité...). Pour aimer l'autre il faut d'abord s'aimer soi-même, c'est à dire "prendre soin de soi pour n'être plus à soi même un problème".

Mais par un "je t'aime" je cherche à dompter l'autre qui m'étourdit; un aveu qui est à la fois supplique et interrogation pour mettre fin à l'incertitude... (pour un moment seulement car les serments se fanent au bout de quelques jours). Sommes-nous condamnés à cette constante investigation qui peut dériver vers une jalousie maladive ou un effacement du sentiment ? Faudrait-il se taire pour maintenir la flamme? S'enfermer dans une politesse de l'esquive pour garder intact l'excitation des premières rencontres?

"Dans la fragilité du petit d'homme, l'amour lit sa propre faiblesse, son caractère mortel: il est lui-même cette gracile étincelle de vie qui ne demande qu'à s'embraser. Aimer ainsi, c'est consentir à perdre l'autre, même si cela suppose notre malheur, c'est l'émanciper de notre emprise, ne pas l'investir de ce mandat impossible: la réciprocité" (Pascal Bruckner, le paradoxe amoureux, Grasset, 2009)

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