mercredi 3 février 2010

Eclipse Médiatique par Cosimo

Brève de comptoir :

- Le séisme en Haïti on a vu plus d’images que nécessaire.

- Oui mais c’est pour que les gens donnent !

Sur la semaine suivant le séisme, les journaux du monde entier ont publié 6 140 000 articles sur le sujet. S’il était possible de réécouter toute la couverture accordée par la radio et la télévision du monde entier pendant ces 7 jours, on pourrait revivre l’événement 24 heures sur 24 pendant 25 694 jours ou l’équivalent de 70,4 années.

Des heures et des heures de programmes dont il a fallu nécessairement renouveler le contenu. Le nombre de victimes, le débarquement des marines, les rescapés, les pillages, la frontière avec la République Dominicaine, la récolte de fonds et l’affectation de ces derniers, les autorisations d'atterrissage…

Mais il est vite devenu vital de se différencier, se démarquer des sujets des centaines de confrères présents à Port-au-Prince. Certaines chaînes ont donc parié sur le sensationnalisme. CNN en porte-drapeaux avec ses deux journalistes/sauveteurs stars Sanjay Gupta aka Batman et Anderson Cooper aka Superman. L'un et l'autre sauvent des vies avant et pendant leurs reportages.

Et le Web n'était pas en reste. Le Google Crisis Response avec son module de recherche des disparus (l’occasion ou jamais de mettre en scène leur « Don’t Be Evil »). Les cartes interactives Avant/Après séisme du New York Times. CNN avec ses formidables caméras embarquées interactives Haïti 360°. Une dizaine de pages ou de groupes Facebook à plus de 400 000 membres (le groupe « Pour les Haïtiens 1 fan = 1 euro » a même atteint 1 392 000 membres). Mais également la création de flux Twitter ou Flickr alimentés par les ONG sur place.

Une petite ambiance de webreality "Vivez Haïti comme si vous y étiez !" s'est savamment installée. Vivement l'application Haïti Airport où l'on doit essayer de faire atterrir les avions des ONG, des journalistes, des militaires et des évangélistes.

Une couverture médiatique sans précédent donc, qui a permis de récolter 15 millions d'euros la première semaine en France. Montant supérieur aux 10 millions d'euros de dons recueillis par les ONG il y a cinq ans lors du tsunami de 2004, durant la même période de 7 jours. Soit 50% de dons supplémentaires grâce à une couverture médiatique mondiale 2,5 fois supérieure à celle du tsunami sur cette période de 7 jours.

Selon le sociologue Denis Muzet "l’instantanéité de l'information a favorisé la formation de flux émotionnels et affectifs".

Le hic c’est que la couverture médiatique a fortement diminué. La tendance au bout de la 2ème semaine s’est inversée, les 40,5 millions d’euros récoltés pour Haïti sont bien en deçà des 65 millions d’euros récoltés par les ONG en France pour le tsunami sur la même période.

L'éclipse est passée.

Brève de comptoir (suite) :

- Les gens donnent moins pour Haïti que pour le tsunami, c’est moche.

- Le tsunami, c'est plus fort que toi.


NB : En revanche d'un point de vue scientifique les résultats sont excellents. Ce tremblement de terre à révélé aux anthropologues américains une petite île et sa population très pauvre de 10 millions d’habitants, située à quelques centaines de kilomètres seulement de la Floride. Rien ne laissait croire qu’une telle découverte était encore possible.

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